Dimitri Emski
La balle claqua dans l'air, sèchement, suivi du silence et du parfum chargé en fer du sang qui coule. Le cœur de Dimitri sauta un battement, tomba lourdement dans son estomac, se serra et menaça d'exploser, mais son visage resta impassible. Alexeï riait grassement, l'arme encore fumante posée près de sa cuisse, le cadavre d'un chien troué au ventre gisant à ses pieds ; il était mort et n'aboierait plus jamais. La main enfoncée dans la poche de son sur-vêtement flambant neuf, Dimitri jouait distraitement avec le plastique d'un paquet de cigarettes, pour le faire crisser régulièrement entre ses doigts et se donner de la contenance. Il regardait le chien, le tueur, le chien encore et pensait à la sensation froide et lourde de son pistolet contre son corps. Alexeï aimait le sang, la destruction, la violence et l'excès. Lui n'aimait rien. Ni le sang, ni l'argent. Il était là pour faire face, dans cet enfer de béton gris. Qui de lui ou de cet homme était le plus méprisable ? Il se haïssait plus encore que son chef qui racontait des blagues douteuses sans plus se soucier de cet animal qu'il avait envoyé de l'autre côté. Il avait accepté la déchéance, cette vie de crimes, parce qu'elle apparaissait comme la seule solution. Que pouvait-on espérer lorsque l'on appartenait à ce monde ? Celui des hommes et des femmes oubliés au milieu de constructions grises et sans âme. Alexeï était le roi des rats, et lui la pire des vermines. Il attrapa une cigarette, sa dernière sèche, la glissa entre ses lèvres fines, inspira longuement, et relâcha vers le ciel encombré un nuage de fumée aux relents de vodka chaude.