top of page

Velvet Kowalski

« Tout le monde aime Velvet. »

1

 

Velvet entra dans la pièce, et il y eut comme un léger pli dans la réalité, un sursaut, quelques secondes de flottement. Enfant déjà, æl avait cette étrange capacité à fédérer. Les adultes se pâmaient devant un si joli bambin, et les autres enfants désiraient tous être son ami. Ils étaient attirés par cette aura d’oranges et d’ors qui émanait de æl, une chaleur toute naturelle, comme si Velvet était son propre soleil. De tous, c’était son père qui lui adressait la plus grande admiration. Un parent adoptif, qui vouait un véritable culte à cet enfant qu’il avait décidé d’aimer. Et comme toutes les créatures hors du temps et des préoccupations quotidiennes, Velvet avait ce petit quelque chose d’inaccessible. Il semblait flotter, l’esprit toujours un peu ailleurs, entre-deux mondes. Æl avança au centre de la pièce, d’un pas mesuré, lentement, avec grâce et légèreté, et se figea, le regard fixe, posé sur un point imaginaire. Les convives retenaient leur respiration, il n’y avait plus un bruit dans l’assemblée, et passèrent ainsi quelques secondes, dans un silence religieux. Æl respirait, lentement, profondément, s’ancrait dans le moment. Puis, dans une longue expiration, æl se mit en mouvement. Æl tapa une première fois du pied. Ses bras se tendirent et se mirent à bouger autour de æl. Æl tapait ses mains entre elles, sur ses cuisses, ses pieds contre le sol, et avec tous les grelots, les bijoux et les tissus qu’æl portait, æl produisait sa propre musique. Pour Velvet qui croyait profondément qu’un monde invisible se dissimulait dans les recoins de la réalité, la danse et la musique étaient des seuils vers d’autres possibles de la perception. Æl dansait comme si sa propre vie en dépendait, et à mesure que la transe læ gagnait, ses mouvements se faisaient plus instinctifs, presque sauvages. Æl tournait et tournait encore sur æl-même, les tissus volaient autour d’æl, pareils à des ailes colorées, dans une véritable cabale hypnotique. Æl dansa ainsi pendant de longues minutes sous le regard ébahi des participants qui se sentaient gagnés par une fièvre fantastique. Et tout coup, æl s’arrêta en plein mouvement ; le bras levé, la main ouverte et les pieds en pointes. Les tissus retombèrent autour de son corps tendu dans un léger bruissement. Æl ferma les yeux et puis les doigts, sur une substance invisible, qu’æl ramena contre son ventre. Æl voûta le dos, arqua les jambes et se plia sur son poing, comme pour protéger ce qu’æl avait trouvé dans le vide. Le public, subjugué, se contractait lui aussi, touché par son allégresse et sa soudaine vulnérabilité. Æl resta ainsi un moment, puis, tout doucement, se redressa, et son corps s’épanouit à nouveau, le torse bien gonflé et l’air radieux. Æl gratifia son audience d’un délicieux sourire couleur de miel, et s’en retourna par la porte par laquelle æl était entré·e, laissant derrière æl une atmosphère à la densité presque palpable.

bottom of page